Sur la façade du château une intervention de l'artiste JR. Sculpture de James Lee Byars
Sur la façade du château une intervention de l'artiste JR. Sculpture de James Lee Byars
« Bien que la légende de Venise ait été beaucoup raillée par les rationalistes, les sceptiques et les démystificateurs résolus, l’attrait qu’exerce la Sérénissime est extraordinairement impérieux ». Ces mots de l’écrivain James Morris accueillent  le visiteur de la cinquième exposition de l’Institut Culturel Bernard Magrez intitulée Rêves de Venise.  Cette exposition propose un voyage artistique inédit à travers les rêves et les visions d‘artistes de siècles et de cultures divers. Cette réunion d’œuvres dans les salons du Château Labottière ancrage public du mécénat culturel de Bernard Magrez, désire recréer cet univers unique au monde par l’accord et l’écho des interprétations singulières provoquées par « la Ville assise sur la Mer »...
 
Acqua Alta : les hautes eaux, Laurent Valera, 2013.
Acqua Alta : les hautes eaux, Laurent Valera, 2013.

 

Forte de l’identité et de l’image qu’elle s’est construite et qu’elle a su imposer dans  le monde entier, Venise affirme son statut auprès du visiteur dès son entrée maritime et son imposant bâtiment de la Douane de Mer avec un groupe sculpté de  Bernardo Falcone (vers 1630-1697) composé d’un globe doré soutenu par deux  atlantes et surmonté d’une allégorie de la Fortune (1677). Cette composition illustre parfaitement ce qu’est Venise: un monde à part édifié de toute pièce qui repose sur trois rêves collectifs et fondateurs. La première Utopie est celle d’un espace de vie crée au milieu de l’eau qui, progressivement a été complété par un  ensemble urbain et architectural parfaitement maîtrisé. La deuxième Utopie est celle d’un commerce mondial dont la ville de Marco Polo a été le théâtre : de denrées multiples allant des matières premières essentielles de l’époque le sel, le poivre et le sucre- aux étoffes et à la pierre Venise a connu un flot  d’expéditions et d’échanges commerciaux  sans précédents entre l’Occident et l’Orient. Pour finir, l’Utopie de la République de Venise, qui a choisi comme dirigeants une aristocratie démocratique et humaniste. La réalisation de ces trois utopies a permis le rayonnement international de Venise qui, lorsqu’elle était contestée par ses rivales n’en a été que renforcée grâce à des guerres  victorieuses.
 
C’est à cette chance – la Fortuna – ainsi qu’au Divin et aux saints  protecteurs que la Ville s’en est remise. Conscients de leur chance, Doges et  marchands eurent alors continuellement à cœur de remercier l’aide providentielle dont ils bénéficiaient par l’édification de plus de trois cents églises et surtout par l’établissement de Scuole, écoles de bienfaisance et de formation aux Arts et Métiers afin de constituer leur propre école de peinture et initier ainsi un style particulier aux œuvres.
 
C’est dans cet environnement fondé sur l’idée, l’ingéniosité et l’imaginaire collectif que s’est forgé ce qui allait devenir le centre d’attraction artistique planétaire actuel : la Ville de l’Utopie de l’art et de la culture.
 
L’interrogation de cette force de séduction et l’influence symbolique mondiale de Venise est au coeur du cheminement de l’exposition. On y retrouve certaines des matières premières de la Ville, en particulier l’Or de la Basilique San Marco ou le verre de Murano – utilisées par les artistes pour explorer les soubassements inconscients et les rêves paradoxaux de Venise. « Entre le rêve et le réveil » (Walter Benjamin), l’exposition s’ouvre en extérieur avec une image dialectique qui interprète une signification nouvelle de la ville utopique des artistes : une sphère dorée de James Lee Byars (1932-1997). Elle se termine avec le dessin d’un triangle dédié par Cy Twombly (1928-2011) à Platon et à sa Cité idéale.
 
Dans les salons du Château, le parcours s’enchaîne comme une rêverie étrange qui répond à l’invitation hypnotique de Venise, Veni Etiam, Reviens encore* et concentre les principaux éléments classique de Venise: Arsenale (la Cité de l’utopie artistique), Vedute (architecture et foules), Republica (renversement et irrévérence), Salute (les icônes du salut), Fortuna (l’harmonie immatérielle). Ces cinq étapes sont infiltrées en parallèle d’une oeuvre en images et sur écran digital qui crée une rupture, celle de l’espace intime et de la confession : s’agit-il d’une promenade amoureuse ou de la chute de Casanova ?
 
Enfin, Suite Vénitienne propose en contrechamps, au sein de la Collection Bernard Magrez, un accrochage photographique original comme une recomposition en images de la sérénité de Venise.
 
En présentant des artistes d’hier et d’aujourd’hui, cette exposition est donc à la fois classique, moderne,contemporaine et intemporelle, tout comme Venise.

 

Une quarantaine d’oeuvres – peintures, sculptures, photographies, vidéos et installations – toutes tendues entre la glorification de la splendeur vénitienne ou le renversement de son archétype, est rassemblée ici pour interroger l’idée et le désir même de Venise, et tenter de répondre à la question irrésoluble: pourquoi Venise ?
 
Oeuvres des artistes exposés dans le Château :

 

Claire Adelfang, Sophie Calle, Canaletto, Maurizio Cattelan, Braco Dimitrijevic, Cerith Wyn Evans, Katharina Fritsch, Alberto Giacometti, Nan Goldin, Felix Gonzalez-Torres, Camille Henrot, JR, Anish Kapoor, Yves Klein, James Lee Byars, Claude Lévêque, Nicolas Milhé, Takashi Murakami, Zoran Music, Jean-Michel Othoniel, Martin Parr, Jean-François Rauzier, Denis Robert, Jean Sabrier, Rudolf Stingel, Cy Twombly, Agnès Varda et Massimo Vitali.
 
Oeuvres des artistes en résidence à l’Institut, exposés dans les Pavillons et le Jardin classé à la française :

 

Claire Adelfang, Décalage vers le bleu, Guy Limone, Giovanni Ozzola, Laurent Valera et Sébastien Vonier.
 
Suite Vénitienne :
La collection Bernard Magrez à l’étage du château accueille une série de photographies prises à Venise par Denis Robert et une tapisserie de plafond réalisée par Jean-François Rauzier.
 
Commissariat : Ashok Adicéam
 

 

* Dans le texte Éloge de Venise, de Luigi Grotto Cieco d’Hadria, prononcé pour la consécration du Doge Sérénissime de Venise Luigi Mocenigo, le 23 août 1570 « Qui la voit une fois s’en énamoure pour la vie et ne la quitte jamais plus, ou s’il la quitte c’est pour bientôt la retrouver... De ce désir d’y retourner e etourner elle prit le nom de VENETIA, comme pour dire à ceux qui la quittent, dans une douce prière : Veni etiam, reviens encore.»